
Publié le 08.07.2025
Pourquoi le dispositif est-il suspendu ?
Le gouvernement a décidé de suspendre MaPrimeRénov’ à l’été 2025, invoquant principalement deux raisons :
- Un afflux inédit de demandes : début 2025, le nombre de projets de rénovation lourde a triplé par rapport à l’an passé, saturant l’Anah et provoquant des retards de traitement.
- Une vague de fraudes : en 2024, 44 000 dossiers frauduleux ont été écartés, pour un total de 230 millions d’euros d’aides évitées. Actuellement, 16 000 dossiers suspects sont encore à l’étude.
Mais au-delà des raisons officielles, des problèmes budgétaires mal anticipés sont pointés du doigt. Le budget alloué pour 2025 (3,6 milliards d’euros) s’est révélé insuffisant face à la forte demande, notamment dans certaines collectivités où les crédits sont déjà épuisés. À cela s’ajoutent des changements de règles fréquents, et des retards de paiement liés au vote tardif du budget.
La colère des professionnels du secteur
La réaction des acteurs du bâtiment est immédiate et très critique :
- Une vingtaine d’organisations dénoncent une décision « injustifiable » qui menace jusqu’à 100 000 emplois.
- Le président de la FFB, Olivier Salleron, évoque un « chaos social » et n’exclut pas manifestations et blocages lors du congrès national du 13 juin.
- TPE, PME et artisans font état de ruptures de contrats en cascade, avec des chantiers annulés dès l’annonce de la suspension.
- Des acteurs comme Hello Watt ou Dorémi soulignent une perte brutale de confiance dans un dispositif encore peu maîtrisé par les particuliers.
Dans un secteur déjà fragilisé par la crise du logement neuf, l’incompréhension est totale.
La position de la CAPEB
La CAPEB, représentant l’artisanat du bâtiment, condamne vivement la suspension :
- Elle dénonce un choc brutal dans un contexte déjà tendu : en 2024, 14 000 entreprises ont fermé, et 27 000 emplois ont été perdus dans le secteur.
- Elle critique une gestion instable et opaque du dispositif, reposant selon elle sur des arguments budgétaires peu transparents.
- Elle remet en cause le modèle de « rénovation globale », trop coûteux et vulnérable à la fraude, en appelant à un parcours de rénovation progressif, par étapes, avec un versement des aides au fil des travaux.
- Elle demande la reconnaissance des gestes simples (mono-gestes), plus accessibles, moins coûteux, et plus sûrs.
- Enfin, elle réclame de la stabilité, de la lisibilité, et des engagements clairs de l’État dès le mois de juin.
Un débat plus large sur les politiques de rénovation énergétique
Derrière cette crise, se pose la question de l’efficacité des politiques publiques de rénovation. Issues des chocs pétroliers et relancées par l’urgence climatique, ces politiques visent à corriger les défaillances du marché (financement, information, valorisation des co-bénéfices).
Une méta-analyse de 46 études montre une économie d’énergie moyenne de 10 %, mais avec des résultats très variables. La rentabilité environnementale dépend notamment du coût d’abattement du carbone (LCCA), souvent favorable pour les logements chauffés au gaz.
Mais pour être efficaces, ces dispositifs doivent être simples, stables, bien ciblés et évalués dans la durée. La suspension de MaPrimeRénov’ illustre à l’inverse les effets pervers d’un système instable : saturation, précipitation, et perte de confiance.